Bloc-notes Éco

Labels d’investissement responsable en France : quel bilan ?

Mise en ligne le 13 Février 2020
Auteurs : Emilie Candus, Jean-Luc Le Goff

Billet n°152. La croissance des fonds labellisés a été très importante en 2019. Avec des taux de souscription plus élevés que la moyenne du secteur et des niveaux de performance dans l’ensemble assez comparables, le label s’avère un facteur d’attractivité. Le succès des labels est toutefois inégal et leur pénétration reste encore faible dans le paysage de la gestion collective française. Des efforts de pédagogie et de promotion restent à mener pour accroître la diffusion de ces produits auprès des épargnants.

Image Billet 152 : fonds et labels
Graphique 1. Les fonds labellisés, seulement 7% du marché de la gestion collective française en 2019 Sources: Association Française de la Gestion financière (AFG), Banque de France, Ministères de l’économie et de la transition écologique Note : Estimation du marché de la gestion collective responsable en France fin 2019

Pourquoi des labels ?

Les considérations liées à l’environnement ou à la responsabilité sociale des entreprises suscitant un intérêt croissant des épargnants à l’occasion de leurs choix de placement, le gouvernement français a souhaité promouvoir deux labels publics pour les fonds d’investissement afin d’éviter un marketing vert abusif (greenwashing) et s’assurer d’un socle commun de règles (level playing field). Fin 2015 et début 2016 sont ainsi nés les deux labels Investissement Socialement Responsable (ISR) et Greenfin, anciennement nommé Transition énergétique et écologique pour le climat, TEEC. Leur objectif est de mobiliser une partie de l’épargne vers le financement de la transition énergétique et du développement durable. Dans la gestion des actifs des investisseurs institutionnels, cette initiative prend ainsi en compte des critères extra financiers précisés par la loi (Loi sur la Transition Énergétique pour la Croissance Verte, août 2015, règlement européen "disclosure", novembre 2019). La création d’un label européen pour les produits financiers verts (ecolabel) est par ailleurs en discussion. Parallèlement, la loi Pacte instaure l’obligation pour les assureurs-vie d’inclure dans leurs contrats en unité de compte au moins un fond labellisé ISR, Greenfin ou investi dans l’économie solidaire à partir de 2020.

Labels ISR et Greenfin : de quoi s’agit-il ?

On entend par investissement socialement responsable "un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant des entreprises qui contribuent au développement durable dans tous les secteurs d’activité" (AFG, Forum de l’Investissement Responsable, 2013). Cette définition est communément acceptée mais elle revêt des formes et des démarches multiples plus ou moins sélectives et contraignantes. Le label ISR exige que l’analyse extra-financière c’est-à-dire la prise en compte de critères dits ESG (environnemental, social, et qualité de gouvernance) soit intégrée de manière systématique et mesurable aux décisions d’investissement. Un cahier des charges défini par arrêté porte sur les objectifs de la politique d’investissement du fonds, sur le processus de sélection (méthodologie d’analyse, de cotation), sur la transparence de la gestion, l’engagement et le dialogue auprès des entreprises investies ainsi que sur les mesures d’impact des investissements sur l’environnement et la société. 

Le label Greenfin a un fonctionnement proche du label ISR et repose également sur la transparence de la gestion financière et des mesures d’impact environnemental. Il est toutefois plus contraignant car le périmètre d’investissement est limité : plus de 75% du fonds doit être alloué à des obligations vertes (voir Bui Quang et al., 2019)  ou à des activités vertes qui sont définies précisément par un référentiel. Par ailleurs, certains secteurs faiblement compatibles avec la transition énergétique ou controversés (nucléaire, énergies fossiles) sont exclus. Le processus d’agrément des labels fait l’objet d’un audit par un organisme de certification accrédité.

Peu de fonds se réclamant de la finance durable franchissent le pas du label

Fin 2019, avec 379 fonds et 148 milliards d’encours, les fonds labellisés représentent près de 7% de la gestion collective française (OPC français et étrangers gérés en France hors titrisation, voir graphique 1) après avoir enregistré une forte croissance en 2019 (encours multiplié par 3).

Le label ISR a le plus vif succès avec 6% de parts de marché (136 milliards d’euros) contre 1% (12 milliards) pour le label Greenfin. Toutefois, selon l’enquête annuelle de l’AFG, en 2018, près de 516 milliards d’OPC, soit 24% du marché, seraient gérés selon une approche dite responsable (investissement responsable) fondée sur l’auto déclaration des sociétés de gestion. La marge de progression semble importante.

Le label, un facteur d’attractivité…

Les fonds labellisés ISR français affichent des taux de souscription annuels élevés entre 5 et 10%. Ceux-ci sont nettement supérieurs à la moyenne de l’ensemble des fonds français qui subissent une décollecte nette depuis 2 ans (cf. graphique 2). En outre, des études montrent que la prise en compte de critères extra-financiers ne viendrait pas réduire ou augmenter le niveau de performance à court-moyen terme (Revelli, Viviani, 2014Friede, Bush, Bassen, 2015). Il apparaît d’ailleurs que, dans leur ensemble, les fonds labellisés ont eu une performance assez comparable à celle des fonds classiques de la même catégorie entre début 2016 et le T3 2019 (Stat info OPC T3 2019). Entre 2016 et 2018, les fonds labellisés ont également collecté plus que les fonds se réclamant ISR sans label. Toutefois, cette tendance s’est inversée en 2019 soulignant la nécessité d’améliorer la publicité des labels et des garanties qu’ils offrent dans un marché de plus en plus concurrentiel.

Image Les fonds labellisés ISR français collectent beaucoup plus que les fonds classiques
Graphique 2.Les fonds labellisés ISR français collectent beaucoup plus que les fonds classiques Source : Banque de France

Note : Les fonds de droit français représentent près de 65% des encours des fonds labellisés ISR à fin novembre 2019 : 210 fonds pour 88 milliards. Ce sont majoritairement des fonds actions (51%) suivis des fonds obligataires (15%) et monétaires (16%). Le taux de souscription annuel est calculé comme la somme de la collecte nette des 12 derniers mois rapportée à l’encours M-12.

… à renforcer par une meilleure communication et visibilité

Selon les données de la Banque de France, à la fin septembre 2019, 175 fonds de droit français (65 milliards d’euros en encours) comportaient le terme ISR dans leur libellé alors que seulement 49 d’entre eux étaient effectivement labellisés (28% des fonds avec un encours de 19 milliards).

Si l’on élargit l’analyse à tous les termes en lien avec l’ISR (durable, responsable, éthique, social, transition, climat, etc.), le nombre de fonds français utilisant l’une de ces références dans leur appellation s’élevait à 537, dont seulement 95 étaient labellisés (18%). De fait, sur les 150 fonds français labellisés en septembre 2019, un tiers ne comportait aucun terme explicite en lien avec l’ISR.

Un effort de communication et de pédagogie apparaît donc nécessaire pour faire connaître les labels aux épargnants et les rendre plus attrayants. En effet, selon une enquête AMF réalisée en 2019, moins de 20% des Français interrogés connaissent les labels ISR et Greenfin et 61% leur font moyennement ou pas confiance.